mardi 7 juillet 2009

Au cœur un feu obscur

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C'est la voute du ciel maléfique : regarde !
C'est le monde, privé des êtres chers : regarde !
Vis pour toi-même cet instant, si tu le peux.
Ni hier, ni demain, c'est le présent : regarde !



A quoi bon sur ton sort, gémir, pleurer et geindre ?
Nul ne peut réclamer plus que son propre lot.
Le tien, depuis toujours, est écrit, pauvre sot.
Tu n'as ni plus, ni moins : cesse donc de te plaindre.



Si je pouvais saisir les tablettes du Sort,
comme j'y inscrirais tout ce que je désire !
J'effacerais toutes les peines, tous les torts,
je lèverais la tête et me mettrais à rire.



Le jour qui est passé, il faut que tu l'oublies.
Celui qui va venir ? Va, n'y pense donc point.
Sois heureux, sans souci d'hier ou de demain.
Garde-toi de jeter aux quatre vents ta vie.



Quand je vois comme vont le monde et ses affaires,
je sens bien comme tout est vain et sans valeur.
Dieu soit loué, pourtant, car, au fond de mon cœur,
je sais combien je suis déçu sur cette terre.



Ce monde te convient, il te paraît plaisant ?
Pour t'attacher à lui, ce n'est pas suffisant.
Chaque homme, comme toi, vient ici puis repart :
Hâte-toi, avant de mourir, et prends ta part !



Le cycle de notre vie et de notre mort
N’a ni commencement ni fin, à vue humaine.
Aucun de nous ne sait quel bon vent nous amène
Ici-bas et, plus tard, nous ramène __ à quel port ?



Le ciel ne fait fleurir la rose que par feinte :
pour la mieux effeuiller et noyer dans le sol.
Donc, le nuage, qui aspire son empreinte,
fera pleuvoir le sang de nos amours défuntes.



La brise a déchiré la robe de la rose
Et l’on entend chanter la voix du rossignol.
Demeure donc assis à l’ombre de la rose,
Car elle va bientôt s’effeuiller sur le sol.



Je n’ai pas peur de m’en aller, car je préfère
Ma moitié d’au-delà à mon séjour sur terre.
Mon âme n’est qu’un prêt, que Dieu m’a consenti
Et qu’il me faudra rendre à mon heure dernière.



C’est le vin qui nous fait perdre notre arrogance
Et qui sais dénouer les nœuds avec aisance.
Si Satan avait bu tout juste un peu de vin,
Il eût, devant Adam, perdu toute insolence.




Toi, qui de l’univers en marche ne sais rien,
Tu es bati de vent : par suite, tu n’es rien.
Ta vie est comme un pont jeté entre deux vides :
Tu n’as pas de limite au milieu tu n’es rien.



Venus purs du néant, nous en partons impurs.
Venus heureux, nous repartons plein de misère.
L’eau des pleurs dans les yeux, au cœur un feu obscur,
Nous rendons l’âme à l’air et mourons dans la terre.


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